- Ted' ! Je.. Je ne pensais pas te voir ici !..

Mes mains se crispent sur le bord de la tour, et je reconnais la voix de Lily. Mes joues sont inondées de larmes, et je dois avoir les yeux tout rouges. Super. Je n'ose pas me résoudre à me retourner vers elle. D'un geste que je veux discret, mais que pourtant je sais qu'il n'échappera pas à Lily, je m'essuie le visage avec le bras. Je renifle très discrètement, essayant d'empêcher mon nez de couler. Très glamour. Finalement, je fait le bec de canard avec mes lèvres avant de me retourner vers Lily. J'espère que ça la fera rire et qu'elle oubliera ce qu'elle a vu, parce que je ne tiens pas à ce qu'on sache tout ça. Pourtant, lorsque je me retourne, je fais face à une Lily qui à l'air aussi tourmentée que moi. En fait, elle a l'air complètement confuse et perdue. Le bec disparaît, laissant à nouveau place à mon visage normal. Je m'approche un peu d'elle et lui rends le sourire qu'elle m'avait fait. Je ne sais pas vraiment quoi dire, et je n'ai pas envie de faire le gars qui a tout vu et tout compris, et qui VEUT qu'elle se confie à moi. Je veux juste qu'elle sache que je suis là si elle a besoin de parler, et que, quand même, je suis plus âgé qu'elle, même si je reste assez jeune, et que donc je pourrai l'aider, ne serait-ce qu'un tout petit peu... Mais je ne dis toujours rien, me contentant de la regarder. Une petite ride s'est creusée au niveau de ses sourcils, trahissant son trouble. Je la connais depuis si longtemps, Lily... Depuis sa naissance, en fait. Je l'ai tenue dans mes bras quand elle n'avait encore que quelques jours – et je ne l'ai pas fait tomber ! Haha ! – et je l'ai nourrie au biberon, je l'ai baby-sittée, je lui ai lu des histoire pour qu'elle s'endorme, je l'ai défendue, je lui ai expliqué des choses sur la magie, je me suis chamaillé avec elle... C'est vraiment comme une petite soeur pour moi. Elle ne peut pas vraiment me cacher ce qu'elle pense. Je trouve toujours un moyen de deviner, et sans forcément parler. Donc, je l'observe. Encore et encore. Mais mes pensées d'avant ne m'ont pas quitté, et je l'ai sens prêtes à revenir à l'attaque. La barrière de tristesse que j'ai érigée en en vitesse ne va pas tenir beaucoup plus longtemps... et là, on aura l'air d'une belle paire de bras cassés. Je lui dis :

– Content de te voir, soeurette.

– Ils sont morts ?!

Là, c'est le blocage. Mon cerveau arrête tout bonnement de fonctionner. C'est fou l'effet que ça fait de se faire entendre la réalité par quelqu'un pas seulement se le dire à longueur de journée, seule pensée parmi tant d'autres... Lily semble elle aussi choquée par ce qu'elle vient de dire, ou alors elle est choquée par ma tête. Mes genoux tremblent, et je crois qu'ils ne vont plus me supporter bien longtemps. Effectivement, au moment où je sens des petits bras frêles m'enlacer, je tombe par terre. Et je n'arrive plus à me retenir. Après tout, c'est permis de pleurer devant sa – presque – soeur... Mes larmes coulent en grosse gouttes sur mes joues, mais comme à mon habitude, je pleure silencieusement, reniflant de temps à autre... Les minutes s'écoulent, et aucun de nous deux ne prononce un mot, ou alors je suis devenu sourd. Le flot de larmes semble intarissable, et plus j'essaye d'arrêter de pleurer, plus l'eau tombe abondamment. C'est une sorte de cercle infernal. Je sens le corps de Lily pris de petits tremblements contre moi, et je me demande si elle pleure aussi. Mais je ne veux pas qu'elle pleure, non, je ne veux pas qu'elle pleure à cause de moi... Et c'est pour ça que j'arrive enfin à me calmer et à sécher – à peu près – mes larmes. Je redresse la tête, puis prend le visage de Lily dans mes mains, le relevant lui aussi, et lui dépose un baiser sur le front. Comme quand je lui disais bonne nuit, avant. Je m'assieds ensuite un peu plus confortablement, en tailleur, sentant que mes jambes ne sont pas encore prêtes à me supporter. Puis, je souris doucement. Pleurer m'a fait du bien, et pleurer avec Lily encore plus. Mais je n'ai pas oublié qu'elle avait aussi l'air d'avoir quelque chose sur la conscience. Je n'oublie pas ces choses-là, moi.

– Bon, alors ? je dis, le plus naturellement du monde, avant de renifler un coup.